Mensonges colportés à l'envi
Embastillé ! Synonyme, pour qui apprend naïvement l'histoire de la Révolution dite française dans Louis Blanc ou Jules Michelet, d'une implacable sentence administrée jusqu'à l'excès par un Ancien Régime dont la prétendue tyrannie couvre depuis deux cents ans les manuels scolaires, ce mot continue, au XXIe siècle, de véhiculer, en dépit de minutieux travaux menés dès le XIXe, l'idée de conditions de vie particulièrement abjectes pour les « hôtes » malgré eux d'une forteresse devenue prison et symbolisant à elle seule la notion erronée et galvaudée d'arbitraire royal...depuis plus de deux siècles
Prison devenue forteresse,
Or le quotidien des embastillés, présenté au mieux comme austère, au pire comme effroyable, fut au contraire placé sous le signe de toutes les prévenances, et le lieu n'accueillit pas un flot ininterrompu de pensionnaires. Ainsi, quid de la bibliothèque fondée vers le commencement du XVIIe siècle par l'un d'eux au sein même de la prison et à l'usage de ses compagnons de captivité ? Quid du témoignage de Marguerite de Launay, impliquée dans le complot de 1718 visant à élever le roi d'Espagne au trône de France, et qui, emprisonnée, racontera plus tard que son séjour fut le meilleur temps de sa vie ? Quid des valets de chambre mis par l'État à la disposition des prisonniers ? Quid du soin pris à ne point séparer les membres d'une même famille, afin de leur éviter une délétère solitude ? Quid des animaux de tout genre tels chats et oiseaux, que les détenus pouvaient amener dans leurs chambres et nourrir à loisir ? Quid de la richesse des repas dont témoigne un Dumouriez affirmant qu' « il y avait toujours cinq plats pour le dîner, trois pour le souper, sans le dessert, ce qui, servi en ambigu, paraissait magnifique » ?quotidien des prisonniers,
épisode révolutionnaire